Une figure de l’attente (3/3): Marie
Le Deutéronome proclame : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu, tu le serviras, c’est à lui que tu resteras attaché » (Dt 10,20). Plus loin, il ajoute : « Si vous gardez bien tous ces commandements : aimer le Seigneur votre Dieu, marcher dans tous ses chemins et vous attacher à lui… » (Dt 11,22). Mais comment concilier la crainte et l’amour de Dieu, deux sentiments qui semblent opposés ?
Regardons Marie, figure centrale de l’Avent. Fille fidèle d’Israël, elle médite les Écritures et vit dans une attitude de profond respect envers Dieu, un respect mêlé à la conscience de sa propre petitesse devant le Créateur du ciel et de la terre. Cette crainte de Dieu n’est pas une peur paralysante, mais la juste reconnaissance de l’écart infini entre le Tout-Puissant et la créature humaine.
Ce sentiment, nous pouvons l’activer dans des moments particuliers : face à une œuvre magistrale, un paysage grandiose, ou encore face à une personne d’une renommée mondiale. Combien plus devons-nous éprouver cette crainte respectueuse devant Dieu lui-même !
Lors de l’Annonciation, Marie, en méditant la salutation de l’ange, perçoit immédiatement qu’elle se trouve devant une manifestation divine. Sa crainte de Dieu se réveille. Mais l’ange la rassure : « Ne crains pas, Marie… » (Lc 1,30). Ce message introduit un bouleversement : le Dieu Tout-Puissant, le Tout-Autre, s’apprête à devenir le Tout-Proche. Par son “oui”, Marie inaugure un amour total envers Dieu. Le Shema Israël, qu’elle récite chaque jour – « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toutes tes forces » – prend pour elle un sens nouveau et concret.
Dans l’intimité de la Nativité, Marie vivra cet amour à travers des gestes simples et humains : nourrir, laver, cajoler, consoler. Elle sera la première à servir Dieu au sens le plus littéral du terme.
Dans ce temps de l’Avent, nous sommes appelés à imiter Marie. Prenons soin de Dieu dans la prière, face au Tabernacle ou dans notre quotidien. Servons-Le aussi dans nos frères et sœurs, en particulier les plus vulnérables. Comme Marie, accueillons la crainte respectueuse qui nous rappelle l’immensité de Dieu, mais laissons cet élan s’accomplir dans un amour intime et confiant. Enseigne-nous ton chemin, Marie, pour nous préparer à accueillir ton Fils.
Emmanuel de Romrée, coordinateur des groupes bibliques sur l’Espace missionnaire Reims-Est
Les figures de l’attente (2/3) : Élisabeth
Élisabeth, figure singulière de l’évangile selon Luc, incarne l’attente et l’espérance caractéristiques de l’Ancienne Alliance. Épouse de Zacharie, prêtre des milieux sacerdotaux provinciaux, elle mène une vie pieuse et fidèle. Pourtant, sa vie est marquée par une blessure profonde : la stérilité, source de honte dans son contexte. Mais derrière cette souffrance se cache une espérance que Dieu lui-même va révéler.
L’ange Gabriel, en annonçant la naissance de Jean, répond à cette attente (Luc 1, 13). Cette promesse s’enracine dans l’histoire biblique : Dieu agit toujours dans la faiblesse et renouvelle son peuple. Comme Sarah, qui enfanta Isaac malgré son âge avancé (Genèse 18, 11), ou Rachel, délivrée de sa stérilité (Genèse 30, 23), Élisabeth devient le signe que rien n’est impossible à Dieu. Dans l’Avent, cette promesse résonne : même au cœur de nos fragilités, Dieu agit et accomplit son dessein d’amour.
Mais la promesse va au-delà de la maternité. Élisabeth préfigure l’accomplissement des temps prophétiques. La venue de l’ange Gabriel et la mention d’Élie renvoient aux annonces du Jour du Seigneur (Malachie 3, 23-24) et du Christ (Daniel 9, 24). En Élisabeth, les signes de l’accomplissement émergent, bien que tout demeure encore voilé (Luc 1, 25). Sa discrétion dans l’attente nous invite à cultiver la patience et la foi : l’œuvre de Dieu est en chemin, même si elle reste cachée.
Lorsque Marie, elle aussi enceinte, se met en route pour la rencontrer, un moment prophétique se déploie. Dans leur rencontre, Élisabeth devient pleinement prophétesse : elle parle au nom de son fils à naître et proclame déjà la venue du Seigneur. Elle reconnaît en Marie la mère du Sauveur et invite à la joie : “Béni soit le fruit de ton sein !” (Luc 1, 42).
Élisabeth incarne ainsi la fin de l’attente et l’imminence de l’accomplissement. Entre inquiétude et joie, elle nous guide dans ce temps de l’Avent, en nous invitant à espérer fermement les promesses de Dieu, qui se réalisent toujours au moment opportun.
Père Pierre de Curraize +
Les figures de l’attente (1/3) : Zacharie
L’Avent est un temps d’attente et de préparation, et la figure de Zacharie, père de Jean-Baptiste, nous offre un éclairage spirituel profond sur cette période. Zacharie, prêtre lévite, vit dans un contexte marqué par l’occupation romaine et les troubles sous le roi Hérode.
Comme beaucoup de ses contemporains, il porte en lui l’attente ardente d’un retour de Dieu dans l’histoire. Cette attente collective se reflète dans sa propre vie : avec Élisabeth, sa femme, il souffre de stérilité, une épreuve lourde à porter dans la société juive de l’époque.
Leur histoire, inscrite dans leur chair, devient le miroir de l’espérance du peuple d’Israël. Le nom de Zacharie, qui contient la racine hébraïque zachar (« souvenir »), évoque un Dieu qui se souvient de ses promesses. Tout comme Dieu s’est souvenu de Rachel ou d’Anne dans l’Ancien Testament, il agit dans le quotidien parfois monotone de Zacharie.
Alors qu’il accomplit son service au Temple, une tâche rituelle qu’il pourrait vivre machinalement, Dieu le rejoint de manière inattendue. L’ange Gabriel lui apparaît avec une annonce extraordinaire : la naissance de Jean, celui qui préparera le chemin du Seigneur.
Ce moment bouleverse l’ordinaire et invite Zacharie à un profond renouvellement de foi. Cependant, Zacharie doute. Comment croire à une telle promesse alors que son âge avancé et celui d’Élisabeth semblent rendre cela impossible ? Ce doute est humain, et Gabriel ne le condamne pas ; il lui impose le silence, un silence qui devient une bénédiction.
Pendant ces mois d’attente, Zacharie est invité à accueillir intérieurement le mystère de Dieu. Ce temps de silence, loin d’être une punition, est une opportunité : celle de se détacher de ses certitudes pour mieux entendre et comprendre l’œuvre divine.
Au jour de la naissance de Jean, tout bascule. Lorsque Zacharie écrit le nom de son fils, obéissant à la parole divine, il retrouve l’usage de la parole. Ce n’est pas une simple capacité physique retrouvée, mais une parole transfigurée. Inspiré par l’Esprit-Saint, il entonne un cantique de louange, le Benedictus, proclamant la fidélité de Dieu et son plan de salut pour l’humanité.
En cette période d’Avent, Zacharie nous invite à vivre pleinement l’attente. Comme lui, nous pouvons parfois être prisonniers de la routine ou du doute. Mais ce temps est l’occasion d’ouvrir nos cœurs à Dieu dans le silence, de laisser l’espérance renaître, et de nous préparer à accueillir la visite divine.
À Noël, comme Zacharie, nous serons invités à témoigner de la fidélité et de la miséricorde infinie de Dieu, source de joie et de vie nouvelle.